Jourdin Stève
Sujet et direction de thèse
Le sionisme socialiste : émergence, apogée et déclin d’une culture politique (1905-1995). Une histoire politique et sociale d’Israël, sous la direction de Maurice Kriegel
Thèse dirigée par Maurice Kriegel, soutenue le 19 juin 2020, devant un jury composé d’Elie Barnavi (Université de Tel Aviv), Pierre Bouretz (EHESS), Denis Charbit (Open University of Israel), Sylvie-Anne Goldberg (EHESS) et Danny Trom (CNRS).
Résumé : Comment expliquer que l’expérience sioniste en Palestine ne se soit pas achevée dans le chaos ? Qu’est-ce qui a fait que, malgré les guerres, une immigration de masse d’une ampleur inédite et une grave crise économique, la jeune démocratie israélienne ne se soit pas, après la proclamation de l’État d’Israël le 14 mai 1948, désintégrée sous le poids des forces contraires ? Il s’agit là de questions fondamentales, auxquelles il est impossible de répondre en ayant recours, pour qualifier les artisans de la révolution sioniste et leurs réalisations en Palestine, aux catégories habituelles de « nationalisme », de « libéralisme » ou de « socialisme ». Propulsé à la tête du mouvement sioniste à partir de 1933, date à laquelle le Mapaï, le parti de David Ben-Gourion, remporte les élections au Congrès sioniste, le sionisme socialiste va progressivement parvenir à imposer ses vues à l’intérieur du Yishouv. Il va ensuite être placé dans une situation historique unique en son genre : pour la première fois dans l’Histoire, un mouvement se revendiquant du socialisme va créer un État souverain (1948), jeter les bases de sa démocratie et léguer à sa société un ensemble de valeurs. Notre hypothèse est la suivante : le sionisme socialiste a été un projet politique de type républicain. Sans en être toujours pleinement conscients, les sionistes-socialistes ont été, à leur façon, des femmes et des hommes politiques républicains. Ils se sont attachés à faire primer l’intérêt général sur les intérêts particuliers, tout en élaborant un univers politique moderne au centre duquel ils ont érigé des institutions à vocation universelle et une éthique citoyenne censée préserver la cohésion de la cité nouvelle. Les idées civiques du sionisme socialiste s’incarnent dans une conception de la démocratie, dans un égalitarisme, dans un patriotisme et dans une vertu civique. En nous appuyant sur les archives du mouvement sioniste-socialiste, nous retraçons dans ce travail les grands « moments » du sionisme socialiste, de ses origines révolutionnaires russes (1905) jusqu’à son déclin lors de l’entrée définitive d’Israël dans la « nouvelle économie » au début des années 1990. Nous avons eu recours aux archives de l’État conservées à Jérusalem, afin de proposer la retranscription la plus fidèle possible du grand tournant social et économique de l’année 1985 – le tournant « néolibéral » d’Israël –, dont la gauche a été la principale architecte. Éloges du secteur privé et désirs de paix avec l’ennemi arabe vont accompagner l’affaissement rapide des idées civiques. Dans un contexte de changement de génération politique, d’aggravation des tensions entre groupes sociaux et de crise morale consécutive à la guerre du Liban (1982), l’idée libérale va finalement triompher de l’idée républicaine, laissant la gauche sioniste orpheline de ce qui faisait le sel de son projet politique : sa capacité à mobiliser l’ensemble des couches sociales autour d’une aspiration politique commune.
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